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Avril 2025
OLI V I ER
SAI LLARD
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   « Je ne publie presque que des pages de livres sur mes réseaux sociaux. Des livres et des visages, corps, peaux de femmes. J’aime exposer les textes qui ont à voir avec le vêtement. Détricoter cette relation qu’une personne noue avec un tissu. Le texte qui a changé ma vie est là, au milieu de toutes ces publications. Il s’agit de la première page de L’asphyxie de la romancière Violette Leduc.
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L'asphyxie, Violette LEDUC, 1946, 196 pages.
  J’ai découvert ce texte il y a une vingtaine d'années. Je suis bon lecteur, mais je n'ai pas l’habitude de lire toute l'œuvre d'un écrivain, ni même de relire un livre que j’ai aimé plusieurs fois. Pourtant, j'ai tout lu de Violette Leduc.
 
   L'asphyxie est une œuvre sans socle, sans complaisance, qui jaillit de son intérieur. Une note. Ses textes s'extraient d’elle et se propagent au dehors, comme en dépit d’elle. On y trouve son mal-être, son conflit permanent avec elle-même, ses règlements de compte avec sa mère. 
J'étais en gourmandise de son écriture. Une écriture comme de l’art brut. 
  Après tout, j’aime les artistes tourmentés, dépressifs. Cela fait écho à ma propre dépression, à cette mélancolie que l’on croise d’ailleurs peut-être dans mon travail. Rien ne se passe jamais bien avec Violette Leduc. Rien n’est jamais très heureux. L’asphyxie n’échappe pas à la règle.
« Elle m'aidait à monter, à descendre les trottoirs en pinçant mon vêtement à l'endroit où l'emmanchure est facilement saisissable. Cela m'humiliait. »
Extrait de L'asphyxie de Violette LEDUC, publié en 1946.
   Dans la première page du roman, Violette Leduc décrit une scène qu’on pourrait trouver banale, voire risible — une maman attrape sa fille par la manche, sans la toucher, pour traverser la rue. Elle est en réalité d’une violence inouïe. Violette Leduc était une bâtarde. Sa mère l'avait eue avec un garçon de bonne famille, qui n’a jamais reconnu l’enfant. Toute son œuvre littéraire est motivée par cette erreur de situation dans le monde. Ça résonnait chez moi.
Comme pour Violette Leduc, il n'y avait pas de contact entre ma mère et moi, jamais. 
   Ma mère a eu six enfants, mais n’était néanmoins pas très portée vers les gestes d’affection maternels — sans que nous en souffrions. On ne se touchait pas. Ni avec le vêtement, ni avec la peau. Je n’ai pas le souvenir d'avoir été sur ses genoux. Elle venait d’une lignée de femmes fortes, était l’aînée de sa famille. Elle était terriblement aimante, mais ne connaissait pas ces gestes. À l'adolescence, parce que j'étais le dernier, je suis allé un peu plus vers elle. J'ai commencé à la prendre dans mes bras, à la taquiner, à l'embrasser. C'était bien.
   Toute ma vie, je n’ai pas voulu me détacher de ma mère. J'étais comme amoureux d'elle. Je ne voulais pas qu'elle disparaisse. De mes 10 à mes 18 ans, j’allais en camp scout l’été et l’hiver. À l’heure du départ, nos séparations me déchiraient. Je passais des jours à pleurer. Pourtant, c’est moi qui décidais d’y aller. Peut-être que c’était une manière d'extérioriser, deux fois par an, toute l’affection que j’avais pour elle, mais que je ne pouvais traduire en gestes.
« Ma mère vit mes larmes.
Tu veux te
faire écraser et tu pleures !
C'était elle qui m'écrasait.» 
Extrait de L'asphyxie de Violette LEDUC, publié en 1946.
   C’est mon ami et partenaire Gaël Mamine qui m’a fait découvrir Violette Leduc avec Trésors à prendre, qui est une sorte de compte-rendu autobiographique publié en 1960. D’un car à un bus, d'un hôtel de province à un restaurant routier, elle raconte ses vacances, où tout se passe assez moyennement. Cette première rencontre avec ses textes m’a rappelé mon enfance. Les congés, les routes, mes parents qui n'avaient pas d'argent, toujours sur le fil du portefeuille. On dormait dans un hôtel-restaurant, aux environs de Toulon, au bord d'une autoroute. Il y avait le bruit constant, l'odeur du figuier, la salade de tomates qu’on trouvait sublime, la douche dans la cour. Violette Leduc m’a rappelé tout ça. Je vivrais à nouveau ces vacances-là, plus que n'importe quelles autres.
   Violette Leduc était une pionnière de l’autobiographie. Dans ses romans, elle raconte son deux-pièces de la rue Paul Bert, qui donnait sur le local poubelles. Elle ne vivait de rien, entretenue sans même le savoir par Beauvoir et Sartre, qui payaient en secret une rente à Gallimard. Elle n’a connu le succès qu’à 57 ans, juste avant de déclarer un cancer. Elle vivait dans sa chambre et écrivait ses œuvres sur un bout de table.
« Ma mère
ne m’a jamais donné la main… »
Extrait de L'asphyxie de Violette LEDUC, publié en 1946.
   Peut-être aussi que si ce texte me touche tant, c’est parce que j’ai toujours rêvé de créer une œuvre sur un bout de table, moi aussi. L'écriture est le seul exercice à permettre cela. C’est la discipline la plus brute, la plus conceptuelle : il ne faut rien pour écrire. Un carnet, votre stylo. Et ce jaillissement qui vient de l’intérieur. »
— Olivier Saillard
 
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