« Certains livres ont impacté ma vie de femme, tandis que d’autres ont influencé ma pratique artistique. C’est pour cela que j’ai fini par choisir C’est très difficile, la peinture de Pierre Bonnard : il rassemble les deux. |
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C’est très difficile, la peinture, publié aux éditions L’Échoppe en 2020. 128 pages. |
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On y trouve des retranscriptions d’interviews, des lettres, des hommages ou des critiques, sans que l’on sache toujours qui a dit quoi. Je l’ai déjà lu plusieurs fois, y trouvant à chaque repasse un nouvel enseignement. C’est une histoire sans fin. |
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Je suis tombée sur cet ouvrage à la librairie de la galerie Perrotin, dans le Marais. À l’époque, j’habitais encore à New York, mais étais de passage à Paris. Je n’avais pas fait deux pas que la collection de livres de L’Échoppe me sautait au visage. Parmi eux, celui dont nous parlons aujourd’hui, de Pierre Bonnard, et un autre autour de David Hockney. Étrangement, ce sont aussi les deux artistes qui influencent le plus mon travail. |
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Ce livre-là m’a fait un truc. Je l’ai commencé à la seconde où je l’ai acheté. |
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Dans ce livre, Pierre Bonnard revient aux origines de ce qui compose la peinture. Toute la peinture. La partie physique, pragmatique, avec la manière dont on tient son pinceau, jusqu’à sa dimension intérieure, émotionnelle, avec la façon dont on gère son rapport au monde et aux autres. À force de le lire, j’ai commencé à rédiger de petites fiches manuscrites, que je glissais dans le livre. Je ne voulais pas écrire sur les pages. On y trouve les pensées qui me traversent, ou des extraits qui me touchent. |
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Au fil de mes lectures, je n’arrêtais pas de tomber sur un mot étrange, un mot que je ne connaissais pas : les ‘nabis’. En faisant des recherches, j’ai découvert que c’était le nom d’un mouvement artistique de l’époque. En apprendre plus sur cette mouvance postimpressionniste m’a fait prendre conscience, presque dans ma chair, qu’il avait toujours existé des groupes de peintres, d’artistes. Des communautés qui échangent, explorent de nouvelles directions ensemble, se tirent vers le haut. |
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« C'est très difficile, la peinture. Et il y a 10 ans à peine que je commence à m'y reconnaître… » |
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Extrait d’une lettre de Pierre Bonnard à Maximilien Gauthier dans C’est très difficile, la peinture, publié aux éditions L’Échoppe en 2020. 128 pages. |
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Cela a beaucoup résonné chez moi, qui n’ai pas fait les Beaux-Arts. On a parfois pu questionner ma légitimité à faire partie du monde de l’art contemporain. Comme si ma présence dans certains espaces (et a fortiori mon succès) remettait en cause tout le système sur lequel se basent les nombreux artistes qui ont suivi un parcours académique. Comme si j’ébranlais l’autorité des galeries, des professeurs, des écoles. Avec ce livre, de nouvelles questions ont émergé. Qui est ma famille artistique ? Who’s got my back? |
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Delphine Desane, Sleeping Beauty, 2024–2025. Acrylique sur toile, 100 × 70 cm. © Delphine Desane et Luce Gallery. |
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Aujourd’hui, j’ai l’impression de ne pas pas avoir besoin de faire partie d’un groupe, mais c’est pourtant dans l’ordre des choses. Le système fonctionne ainsi. La société fonctionne ainsi. L’histoire de l’art, faite de rencontres, de courants, d’influences… en est une illustration frappante. Avec Pierre Bonnard, j’ai pu attester des liens qui l’unissaient aux nabis. Leurs amitiés, leurs cafés, leurs photos de groupe. Et j’ai compris que je n’avais pas encore cela autour de moi. |
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« Je ne sais pas si le mot vocation est exact en ce qui me concerne. Je ne me rendais pas très exactement compte alors si je voulais être peintre. Il me semble bien que, à cette époque, ce qui m'attirait, ce n'était pas tellement l'art, mais plutôt la vie d'artiste avec tout ce qu'elle comportait, dans mon idée, de fantaisie, de libre disposition de soi-même. » |
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Extrait d’une lettre de Pierre Bonnard à Raymond Cogniat dans C’est très difficile, la peinture, publié aux éditions L’Échoppe en 2020. 128 pages. |
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Pour autant, cette tension autour de la place que j’occupe dans le monde, et notamment le monde de l’art, ne m’empêche pas de créer. Depuis toujours, je me lance sans filet : je ne fais aucun dessin préparatoire à mes toiles. Je m’élance avec mon pinceau et mes couleurs. En cas d’erreur, ma peinture la recouvre. Tout ce processus me procure de grandes émotions. |
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La peinture peut m’emmener dans des endroits inimaginables. |
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Je me tiens face à ma toile et je commence à peindre, sans savoir où je vais aller. C’est là que des portes s’ouvrent, que des idées viennent. Certaines peintures sont très simples, très rapides à faire. Elles sortent de moi. D’autres fois, l’œuvre survient au terme d’un long combat. Quoi qu’il en soit, une œuvre, ça continue, ça ne s’arrête jamais. Toutes les peintures recèlent en elle le potentiel de devenir d’autres histoires. » |
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16 rue de la Pierre Levée Paris, 75011, France |
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