“Les dirigeants que nous rencontrons nous parlent de travaux de fond ”
CE QUE VOUS ALLEZ DÉCOUVRIR
Que retenir de 2021 ?
Ce que les entreprises traditionnelles ont à apprendre des entreprises digitale-native
Pourquoi l’économie circulaire est un modèle complexe
Comment les entreprises doivent se structurer pour un parcours client synchronisé.
Laurence Faguer: Que retenez-vous de la crise sanitaire que nous sommes en train de vivre ?
Benoit Fremaux : Les 22 mois que nous venons de vivre ont été un accélérateur et pour beaucoup d'entreprises un révélateur qu’elles n’étaient pas prêtes à affronter un monde qui leur était imposé, un monde purement digital.
Mais la prophétie selon laquelle « rien ne sera comme avant » n’a pas eu lieu. Les clients sont revenus dans les magasins.
Cependant, la crise a été un point de bascule dans au moins trois domaines :
Le e-commerce a gagné le monde alimentaire
Poussé par des considérations environnementales, nous assistons au retour du centre ville, avec l’arrivée du Drive Piéton -- une expression antinomique, soit dit en passant
Le monde de l’entreprise s’est connecté. Visio, télétravail, ces nouveaux comportements vont impacter durablement les interactions entre les individus.
De quoi vous parlent aujourd’hui les dirigeants que vous rencontrez ?
Benoit Fremaux :De travaux de fonds. Comment rendre son système d’information plus agile, qui permette de développer de nouveaux services plus rapidement. Quelles réponses apporter aux attentes des clients que l’on voit poindre sur la seconde main, l’économie circulaire, l’engagement sociétal et éco-responsable des entreprises ? Ces réponses sont très complexes.
Parlons de l’économie circulaire justement. Où se situe la complexité ?
Benoit Fremaux : Nous passons de processus très linéaires - Carrefour achète un produit à L’Oréal, qui va livrer à un entrepôt, qui lui-même va livrer un magasin, dans lequel ce produit sera finalement acheté par un consommateur - à des processus circulaires dans lesquels le client entre dans la boucle et devient un maillon de la chaîne.
Dans la seconde main, le client devient le fournisseur de l’enseigne, qui lui achète des produits qu’elle revend à des clients. Un modèle CtoBtoC. Or la mise en place de systèmes bouclés est très complexe.
Vous « le client » vous ramenez une veste dans un magasin. Comment « moi enseigne » je la reprends, je l’identifie, je fixe un prix ? Comment je vous règle, comment je remets l’article dans un entrepôt ? Nous arrivons à des systèmes de Reverse Logistics, gérés par des systèmes d’information qui n’ont jamais été conçus pour cela. Comment faire lorsque le marketing décide de mettre en place ce service dans les trois mois, et que la DSI n’est pas prête ?
Le magasin The Real Real à Los Angeles. La plus grande place de marché en ligne au monde pour les produits de luxe authentiques et revendus, avec plus de 24 millions de membres. Credit : Customer Insight.
Pour rebondir sur ce point, n’avez-vous pas l’impression que la DSI et le Marketing se parlent davantage qu’avant ?
Benoit Fremaux : Ceci est très variable d’une entreprise à l’autre et aucune entreprise n’a trouvé la formule magique. D’autant que nous sommes là sur des affaires d’hommes et de femmes. Le gros sujet reste la place du SI digital. Doit-elle être du côté de la DSI ou du marketing ? J’ai mon avis là-dessus.
“La DSI doit avoir une vision globale mais doit donner aux différents métiers l’autonomie pour faire les choses”
Et quel est-il ?
Benoit Fremaux : Je considère que l’intégralité du système d’information doit être sous la responsabilité de la DSI, y compris le ‘digital’ (dont le site eCommerce). Mais la DSI doit mettre à disposition des métiers la technologie pour que les métiers prennent de l’autonomie. Cela se passe déjà dans le marketing, et cela va arriver dans d’autres métiers. Par exemple, ce sont aux directions magasins de définir l’interface de la caissière - mettre le bouton TOTAL en bas à droite de l’écran de caisse - avec les outils mis à disposition par la DSI. La DSI doit avoir une vision globale mais doit donner aux différents métiers l’autonomie pour faire les choses.
Restons sur le sujet des organisations. La crise a montré l’importance de travailler de manière transversale pour créer une expérience d'achat cohérente. Est-ce désormais le cas ? Y a-t-il encore des choses que vous voyez, qui ont le don de vous irriter ?
Benoit Fremaux : Le fait de voir une DSI qui gère le physique et une DSI qui gère le digital. Dans un monde omnicanal, ce n’est plus possible, car alors le parcours client sans couture n’est pas mis en place … ou en tous cas beaucoup plus difficilement. Quitte à structurer la DSI, je préfère avoir une entité qui gère toute l’informatique ‘clients’ et une autre toute l’informatique ‘produits’ avec une gestion rigoureuse des passerelles entre les deux plutôt qu’avoir une organisation par canal.
“ Les entreprises qui vont gagner sont celles
qui seront capables de marier les deux”
Quelles sont ces passerelles ?
Benoit Fremaux : Une brique centrale est la data. L’enjeu de la data est fondamental. Nous avons d’un côté les données produits, que les entreprises maîtrisent depuis longtemps, et de l’autre côté les données client. Les entreprises qui vont gagner sont celles qui seront capables de marier les deux.
Dans les années 1990, l’arrivée de la carte de fidélité a permis une première étape en reliant un produit avec un client. Mais avant l’ère du digital, il était difficile de faire cette connexion pour toutes les transactions.
Et aujourd’hui ?
Benoit Fremaux : Dans un magasin “ classique ”, nous connaissons les produits achetés lors du passage en caisse d’un client porteur de la carte de fidélité. Sur le digital, nous connaissons tous les clients. A partir de ce que le client fait en ligne, l’entreprise est capable de comprendre sa démarche d’achat. On quitte ce monde d’acheteurs anonymes pour entrer dans un monde d’acheteurs identifiés. Il y a une masse d'informations à stocker et à exploiter. Il faut utiliser davantage cette data. Les pure players le font très bien, les grands acteurs du retail traditionnels ont beaucoup de progrès à faire.
Comment cela ?
Benoit Fremaux :Lorsqu'unclient visite un site de e-commerce et lit toute la description d’un vélo, nous pouvons en déduire qu’il est intéressé par les vélos. De même, si 100 % des personnes qui lisent le texte décrivant une confiture ne mettent pas le pot dans le panier d'achat, c’est le signe d’un problème. Le fait d’analyser des comportements nous donne beaucoup d’informations sur les produits. Il existe une masse d’informations aujourd’hui et certaines enseignes l’exploitent peu.
Le graal n’est-il pas qu'aucun client ne sorte d’un magasin anonyme ?
Benoit Fremaux :Idéalement oui, mais en Europe c’est impossible à imposer. Sauf à utiliser une appli, le bluetooth et des beacons, ou sauf à être comme Amazon Go.
Ce qui m’a marqué en 2021
" Le magasin autonome arrive "
à NYC, le Magasin sTARBUCKS en partenariat avec amazon go just walk out,
Credit : Customer Insight
Revenons à cette année 2021. Qu’est-ce qui vous a marqué durant ces 12 mois ?
Benoit Fremaux :
Le magasin autonome arrive.
Après le pionnier Amazon Go aux USA, puis les réalisations de Auchan et Alibaba en Chine, et d’autres, les chaînes alimentaires lancent des expérimentations et vont déployer. Auchan et Carrefour ont lancé des pilotes en France
Le monde du paiement
Exemple avec l’association carte de crédit et carte de fidélisation dématérialisée dans le téléphone
Les nouvelles formes que prend la fidélisation
Nous étions sur une approche carte de Fidélisation / Promotion. Les millennials n’y sont plus sensibles. Ils veulent trouver du sens aux choses et pour eux la promotion classique est dénuée de sens. Comment les fidéliser ? Une conférence Devoteam avec son partenaire Maxxing l’a très bien montré : plutôt que des points, ils attendent une récompense sous forme de reconnaissance sociale (liker leur vidéo sur Tik Tok par exemple) ou au profit d’actions humanitaire ou pour le climat.
La mobilité
Nous avons ancré avec cette crise un geste dans le quotidien : présenter un QR code. Nous faisons ce geste 3 fois par jour avec le pass sanitaire. Dans un an, je fais le pari que les marques vont s'emparer du QR code comme un moyen d’identification. Cela se faisait en Asie, cela arrive dans notre quotidien. Je trouve cela extraordinaire.
Ce qui m’a marqué en 2021
« … les marques vont s’emparer du QR code comme moyen d'identification "
à NYC, le Magasin Bed Bath & Beyond propose le Qr code partout dans le magasin pour commander en ligne.
Vous n’avez pu vous rendre à NRF ? La conférence fut, après deux ans d’absence, une édition remarquable. Pas de magasins flashy, l’innovation se trouve dans les services digitaux, la Data, et les Opérations backend, dans la reconnaissance client - et collaborateur. Et dans la rapidité à innover !